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 Nicolas de Cues

  Etude sur Nicolas de CUES

par Frédéric Chavaroche



Commentaire de La concordance catholique, livre II


La concordance catholique, livre II, texte original.

"Si l'on respectait les lois et enseignements des saints Pères, disant que ne doit accéder à une charge présidentielle personne que n'aient élu ceux dont il doit être président, afin qu'il sache qu'il tient sa présidence de ceux a la tête desquels il se trouve, et que dès lots il les paisse sans orgueil dans l'amour alors nous verrions de quelle façon grâce à des élections ordonnées par degrés, on en arrive, comme il convient, a ce que nous disions plus haut d'après saint Augustin que de la pierre, c'est à dire de l'Eglise des fidèles, naît Pierre. Non que le pouvoir présidentiel qui est en ceux qui président naisse entièrement du peuple mais le sacerdoce alors, qui est, nous l'avons vu plus haut, comme l'âme dans l'Eglise militante - or l'âme, considérée selon sa partie motrice et sensitive, est tirée de la potentialité de la matière alors que, considérée selon sa partie rationnelle, elle vient de Dieu - le sacerdoce, dis-je, reçoit ainsi du peuple inférieur des fidèles le pouvoir moteur végétatif et sensitif de présider, lequel sort de la potentialité matérielle des sujets par sujétion volontaire mais reçoit de Dieu par les sacrements, le pouvoir de l'âme rationnelle, venant d'en haut de telle sorte que, dans une agréable concordance, grâce au pouvoir venu d'en haut par l'entremise du pouvoir qu'il a lui-même produit et transmis, il puisse influer sur le corps que constituent ses sujets, corps que perfectionnent ces pouvoirs pour atteindre à une salutaire union avec le Christ, son chef. C'est pourquoi le pape Hormisda écrit aux évêques d'Espagne : Que cette bénédiction, que par l'imposition des mains on croit avoir reçu de Dieu, ne soit point acquise vénalement. Qui estimerait noble ce qui a été vendu ? Que par l'élection soit sauvegarde le juste respect dû aux prêtres qu'on doit ordonner en sorte qu'on puisse croire au jugement de Dieu dans la lourde charge que les peuples leur confient. La en effet, Dieu est présent la ou se trouve le consensus simple et irréprochable." Voila ce que dit Hormisda. Et quoique Dieu se soit réserve la destitution des prêtres du plus haut rang, c'est au peuple fidèle qu'il a cependant concède leur élection et la grâce divine met en avant celui qu'élit le consensus commun. Sur ce point on reviendra plus longuement dans la suite. Et c'est un beau spectacle de considérer de quelle manière se trouvent dans le peuple, latents et en puissance, tous les pouvoirs tant spirituels que même temporels, encore que, pour que le pouvoir présidentiel lui-même soit constitue en acte, il faille nécessairement que d'en haut y concoure le rayon informateur qui puisse l'établir dans l'existence. Car tout pouvoir vient d'en haut ( je parle du pouvoir ordonne ), a juste titre, de même que la terre est la lie des éléments, et que pourtant de sa puissance, par l'entremise de l'influence céleste, sortent des etres varies, ayant la vie végétative et sensitive. C'est pourquoi l'abbé Joachim n'a pas tort de dire dans son commentaire de l'Apocalypse que le peuple figure du Père, les clercs séculiers le Fils et les religieux l'Esprit-Saint. Car comme le Fils procède du Père, ainsi les clercs procèdent des laïcs; et comme l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils, ainsi les religieux procèdent des laïcs et des clercs."

Introduction:

     Le texte qui est soumis à notre analyse est l'extrait du livre II de la Concordance Catholique écrite sous la plume de Nicolas de Cues vers 1432-33, que vous avez pu lire sur la page précédente. La première oeuvre cusaine se construit sous la forme de trois livres, traitant respectivement de la situation générale de l'Eglise ( Livre I ), du clergé et du concile général de l'Eglise (Livre II), et de l'Empire (Livre III).
L'auteur, Nicolas de Cues, de son vrai nom, Krebs, est né dans le diocèse de Trèves vers 1401. Féru de savoir, il se lance dans des études universitaires de droit à Padoue en 1417, qui est une donnée importante pour comprendre la teneur du texte, nous le verrons par la suite et devient docteur en droit canonique en 1423. La religion va petit à petit être son objet d'attention, en effet, en 1426, après un séjour à Rome et une année d'étude à Cologne, lieu où il s'est familiarisé avec les Ecritures, les problèmes théologiques et la philosophie, il devint secrétaire du Légat pontifical, Orsini. Les années qui suivirent furent fécondes dans les recherches d'ouvrages antiques que le penseur allemand accumulent en une somme de connaissance dans son de Concordantia Catholica.
La pensée de Nicolas de Cues, juriste, théologien, et humaniste s'inscrit dans un paysage intellectuel teinté d'éclectisme, son goût pour le savoir le pousse à l'intérieur de ses propos à faire une synthèse de connaissances qu'il tire d'un tri sélectif. Il est sans nul doute le plus représentatif de la pensée allemande pour son érudition au XVème siècle.
Le contexte des années trente est marqué par les problèmes théologiques illustrés par le concile de Bâle, dans lequel Nicolas de Cues montre son oeuvre, en 1433.La situation de l'Eglise tendait à une certaine anarchie même si le concile de constance avait réussit à élire un pape unique, la puissance du pape connaissait une certaine fragilité. Le grand schisme d'Occident ( 1378-1417) avait consolidé suite au concile de Constance en 1414-1418, le mouvement conciliaire : contrepoids de la suprématie pontificale. C'est dans cette atmosphère de réforme religieuse que le cusain élabore son opinion, pénétré d'humanisme il opte pour l'universalisme conciliaire qui selon lui est plus légitime que l'individualisme papal. Tout l'esprit métaphysique de Cues influencé par les plus grandes philosophies de l'Antiquité et du Moyen Age classique est mis au profit de la tendance conciliaire. Bâle étant le point de concrétisation de la réforme religieuse, Cues pénétré d'un idéalisme chrétien met au point une oeuvre apologétique.
Ainsi, quelles sont les sources utilisées pour son apologie du mouvement conciliaire et quels sont les grands thèmes mis en exergue pour son idéal d'union ?
De prime abord, nous observerons la conception hiérarchisante de la société terrestre, puis dans un second temps, la légitimité de la charge pontificale et enfin nous essaierons à travers le discours du penseur rhénan de mettre en évidence la tendance conciliaire et universaliste.

1 - Une conception terrestre hiérarchisée

1.1 La vision aristotélicienne de l'âme

La pensée cusaine est chargée de préceptes philosophiques, ici, les exemples fourmillent et sont le parfait portrait de la pensée allemande. En effet, l'argument premier que choisit Nicolas de Cues pour traiter d'une société hiérarchisée est purement métaphysique: le concept aristotélicien de l'âme.
Citation: l 10, "l'âme dans l'Eglise militante".
D'abord, quelle peut être la définition de l'âme ?
L'âme, c'est ce par quoi nous vivons, sentons et pensons primitivement. C'est le principe vital de la vie. C'est un esprit, une intelligence, on l'appelle âme parce qu'elle anime le corps humain.
Que peut donc apporter le vocable métaphysique de l'âme dans la pensée cusaine ?
Citons une phrase essentielle, l 11-13, " or l'âme, considérée selon sa partie motrice et sensitive, est tirée de la potentialité de la matière alors que, considérée selon sa partie rationnelle, elle vient de Dieu."
Selon Aristote, il y 3 fonctions dans l'âme :
- L'âme dite végétative ou nutritive
- L'âme dite sensitive et motrice
- L'âme dite intellective ou rationnelle
Les deux premières forment la base de l'âme humaine, c'est si vous voulez la partie sensible qui définit l'élément matériel de la créature.
l 40-43, " de même que la terre est la lie des éléments, et que pourtant de sa puissance, par l'entremise de l'influence céleste, sortent des êtres variés, ayant la vie végétative et sensitive." L'âme est ici perçue comme matière, principe du non-être aristotélicien. Toutes les créatures la possèdent, mais une autre partie de l'âme entraîne une certaine hiérarchie avec la fonction rationnelle, mettant ainsi en valeur l'être pensant, l'homme. La 3ème forme d'âme, c'est le sommet, l'esprit qui communique par l'interférence de la connaissance à l'univers de Dieu.
Ici, Cuse définit une entité spirituelle où l'âme plongée dans son enveloppe corporelle forme l'essence de la créature. C'est le domaine sensible où se fondent la totalité des sens et où l'âme n'est que l'esprit du véhicule divin.
Par conséquent, il y a une hiérarchie du monde à l'image de l'âme:
- Une partie supérieure avec le monde de Dieu: assimilée à la partie rationnelle
- Une partie inférieure avec le monde terrestre: donc partie sensitive ou motrice, c'est à dire nécessaire au déplacement des corps.
Or ces deux parties se compénétrent, il s'observe une collaboration des deux parties. C'est une composition hylémorphique, par-là j'entends le sensible comme matière et l'intellectif comme la forme, cette théorie platonicienne des 2 univers, l'un du sensible et l'autre de l'intelligible évolue selon une théorie du mouvement propre à l'abstraction cusaine reprenant comme base la pensée plotinienne: hiérarchie des êtres de la matière jusqu'à l'Absolu. Il y a bien deux mondes distincts tels que le montre la pensée antique mais avec à court terme une continuité représentée par la hiérarchie des êtres. Prenons un exemple clair pour exprimer tout cela : l' intellectif est la pensée et le sensible l'image, or il ne peut y avoir de pensée sans image.
Cues nous définit ainsi 2 mondes: l'un céleste et l'autre terrestre communicant par le truchement de l'âme. Plotin, philosophe alexandrin du IIIème siècle explicitait dans le courant néoplatonicien que l'âme était tournée vers l'esprit et la matière.
S'installe de ce fait la conception inévitable d'un rapport à la cité de Dieu dans la pensée augustinienne.

1.2 Analogie avec la cité céleste

Le rapport à saint Augustin est ici très clair d'autant plus qu'il est cité à la ligne 7:
"A ce que nous disions d'après saint Augustin que de la pierre des Fidèles, naît Pierre."
Se dégage dans cette phrase une tendance néoplatonicienne, celle du philosophe et mystique oriental du Vème siècle Denys l'aréopagite, reprenant l'idée que le monde terrestre fait partie du système hiérarchique, car, pour exprimer la hiérarchie de l'Eglise, on a recours à des objets terrestres tels qu'ici la pierre ou bien encore, les sons, les couleurs, les formes; toute réalité fait donc partie de la réalité ecclésiale. Cette phrase inspirée de la bouche même de Jésus Christ sert d'élément fondateur pour l'établissement du siège pontifical et dessine ainsi dans la réalité terrestre la légitimité hiérarchique. On sait que chez saint Augustin, il y a un dialogue entre l'âme et Dieu, une relation qui s'établit entre l'inférieur et le supérieur, entre le monde et Dieu. Saint Augustin par l'intermédiaire du néoplatonisme dionysien figura les hiérarchies célestes qui sont les essences, au-dessus desquelles il y a Dieu. Pour Denys l'aréopagite, sur terre, la hiérarchie ecclésiastique est une image de la hiérarchie céleste. Il y a trois fois trois ordres d'anges, classification liée à un jeu d'esprit, caractérisant une fois de plus l'esprit d'abstraction de Nicolas de Cues, pour établir l'analogie entre la hiérarchie céleste et la hiérarchie terrestre. Il y a une correspondance entre les éléments de la hiérarchie d'où la citation à la l 6: "Grâce à des élections ordonnées par degrés." Ce qui exprime fort bien la pensée du cusain de reproduire l'image pure de l'entité divine fonctionnant par procédés de miroirs. Cues met en évidence le besoin de participation de tous les membres de la hiérarchie. Mais quelles sont ces hiérarchies terrestres ? 1) Les 3 sacrements: baptême, cène et confirmation
2) Les 3 grades du clergé: diacres, prêtres, évêques
3) Les 3 grades des profanes
avec les imparfaits, qui ne sont mêmes pas chrétiens, les laïcs et les moines, qui remplissent une fonction particulière.
La hiérarchie ecclésiastique sert donc d'échelle ascensionnelle entre le monde terrestre avec les 3 grades des profanes et le monde céleste avec les 3 sacrements, principes objectifs de la lumière divine.
l 16, "Mais reçoit de Dieu par les sacrements, le pouvoir de l'âme rationnelle."
La hiérarchie s'illustre non pas par un dualisme infranchissable de deux mondes dissemblables mais par une continuité. L'idéal de Cues est ici de transposer le cadre d'un univers céleste pur sur un univers terrestre bouleversé dans son mode de fonctionnement. Mais ce besoin d'accéder au divin, cette convergence d'une multiplicité des êtres nécessite la présence d'un médiateur, principe d'unité du flux terrestre ascendant.
1.3 Une convergence vers l'unité en jésus Christ

La pensée de l'Antiquité classique et tardive laisse la place dans la réflexion du cusain à la pensée mystique. La volonté de s'unir dans le Christ est une donnée fondamentale dans sa pensée théologique.
Ainsi: l 21, "Pour atteindre à une salutaire union avec le Christ."
Le Verbe, autrement dit le Christ, est l'intermédiaire entre l'unité divine et l'altérité du monde. Cues, ici a du être influencé par les écrits mystiques comme ceux du hollandais Ruysbroeck (1293-1381). Celui-ci évoquait le principe d'unité, il disait:
"La vie commune est le plus haut degré de la vie spirituelle, nous sommes tous un, intimement unis dans notre image éternelle, qui est l'image de Dieu."
L'âme reste toujours le principe de liaison, celle-ci s'inscrit au plus haut degré de l'union amoureuse. Cette convergence nous amène à une comparaison entre les êtres dans leur ensemble et l'Être absolu, il y a une forme d'identité entre Dieu et l'être < l'être, c'est Dieu.
Le Christ est à la fois Dieu et homme, il doit dans la classification qui comprend le Créateur et la créature, occuper une place intermédiaire. Notre nature déchue nous attire vers la terre, mais dans le christ, unie à la puissance suprême, elle a été exaltée et délivrée des desseins temporels. L'humanité de Jésus, c'est comme l'intermédiaire entre l'absolu et le contracte. Le Christ devient le médiateur, il est le nœud de coïncidence de l'Ascension de l'homme intérieur vers Dieu et de la descente de Dieu vers l'homme. Il y a ici un procédé ascensionnel qui est l'union salvatrice avec Dieu, première forme de concordance dans la pensée cusaine. Cette velléité d'union dans le Christ qui est au sommet de la Hiérarchie, l 22 avec le terme de chef, reprend l'idée d'un autre penseur qui est Raymond de Lulle, philosophe et mystique franciscain. (1235-1316). D'où ici la place essentielle et productive du mouvement franciscain. Lulle voulait en effet l'établissement d'une religion universelle, celle du Christ, qui réalise l'accord et l'unité. Cues utilise donc les idées franciscaines dans le but de mettre en évidence l'Eglise comme corps mystique du Christ. Ainsi, si au niveau céleste, le Christ est le point d'union de la communauté humaine, il faut nécessairement sur terre un représentant.
Dans cette première partie, ce qu'il faut retenir principalement, c'est la vision d'une société hiérarchisée à l'image de la cité céleste augustinienne, le besoin pour coordonner les âmes humaines d'une société ecclésiastique hiérarchisée. Il est clair que Cues cherche à préciser une institution oublieuse de ses mécanismes.

2 - La légitimité de la charge pontificale

2.1 Retour à l'Eglise originelle et les sources juridiques

Nicolas de Cues dans un second point de sa pensée souhaite une Eglise revigorée par un retour aux sources. Il raisonne dans un cadre purement juridique en faisant appel à un des fondements du droit canonique, la place des saints Pères. L 1, "Si l'on respectait les lois et enseignements des saints Pères."
Les Pères de l'Eglise, auteurs chrétiens de l'antiquité, clercs et laïcs ( 2ème moitié du Ier siècle jusqu'au VIème siècle pour l'occident et VIII pour l'orient), font référence à l'Eglise primitive ou la charge pontificale répondait à une élection du peuple et du clergé. (clero et populo). Nicolas de Cues met le doigt sur un point sensible de l'autorité pontificale: L'origine du pouvoir. En effet le terme de pouvoir apparaît comme un leitmotiv juridique dans le texte, on le retrouve cité exactement 8 fois dans le texte. Pour Cues l'élection pontificale n'est plus l'objet de rivalités cléricales ou de grandes familles romaines, mais aussi l'affaire du peuple. Ici Cues reprend l'idée de saint Cyprien, évêque et martyr du IIIème siècle pour affirmer le droit de parole du peuple mais surtout la pensée augustinienne. Saint Augustin a été Père de L'Eglise et a toujours voulu manifester l'élection ecclésiastique par la volonté du peuple à cause de son élection escamotée à l'évêché d'Hippone. La charge pontificale est ici montrée comme une responsabilité des âmes et non un objet de convoitise.
L 5; "il les paisse sans orgueil dans l'amour".
Cuse fait référence à la pureté de la charge qu'il complète par la citation du pape Hormisdas L23-29.
Hormisdas était un pape du VIème siècle qui après le schisme lauratien œuvrait au retour de l'unité dans l'Eglise. Cues se sert de lui comme un modèle, la charge pontificale à l'image d'un Christ humble et charitable ne doit aucunement s'établir sur des bases d'intérêts cupides. Le terme d'élection repris 2 fois dans ses propos l 6 et l 25 est le moyen inconditionnel pour confirmer la légitimité du pape, le peuple devient ainsi à la base du système électif la cause finale de la hiérarchie ecclésiastique. Si Cues cherche à modérer la puissance du pape en recourant à une certaine souveraineté populaire, il n'en fait pas pour autant un être inutile dans l'Eglise. Même s'il reprend quelques idées du defensor pacis de marsile de Padoue de 1324, et les thèses ockhamiennes sur l'autorité pontificale il ne fait pas montre d'une telle intransigeance. A défaut de supprimer la présence pontificale, Cues reprend les idées sur le rôle électif du peuple mais conçoit le pape comme un point d'équilibre, un garant de l'unité des fidèles qu'il faut accueillir dans une structure rationnelle ou chacun participe. Le pape est l'image du Christ sur terre et pour montrer que celui-ci tient une place spirituelle d'importance, il traite du concours divin dans l'établissement de la charge pontificale.


2.2 Le privilège divin

La place du divin en effet joue un rôle important pour la place du pontife dans la hiérarchie ecclésiastique.
L 36-39, "Pour que le pouvoir présidentiel lui-même soit constitué en acte, il faille nécessairement que d'en haut y concoure le rayon informateur qui puisse l'établir dans l'existence." La référence au concept de la lumière propre au domaine platonicien est ici le vouloir divin. Le rayon lumineux fait aussi appel à l'image du soleil dans la pensée cusaine, il est un à l'image de l'univers, de Dieu, il prodigue par la multiplicité de ses rayons la source de vie nécessaire à la vie des créatures terrestres. Le rayon est le lien entre Dieu et le monde terrestre, le véhicule spirituel entre les deux mondes. Ce mouvement descendant faisant office de contre-balancement au mouvement ascensionnel des fidèles à Dieu est chère à la mystique rhénane et ses grands maîtres tels que Albert le Grand ou surtout maître Eckhart. Dans leur conception philosophique et théologique, ces penseurs ont mis en avant la théorie des deux mouvements, celui dit de conversion qui rejoint les propos formulés en ce qui concerne l'ascension du multiple à l'absolu dans la vision hiérarchique de l'Eglise et qui renvoie à la pensée platonicienne de l'un et du multiple. L'autre mouvement qui nous intéresse ici est celui dit de procession ou l'entité divine unique crée les créatures par le principe de division. Ces deux dynamiques témoignent ici si vous voulez l'aller et le retour à Dieu. Chaque créature reçoit la lumière divine, même la personne du pape, celui-ci n'est jusqu'ici qu'un être banal mais ce qui le différencie en tant que pape dans la réflexion cusaine, ce sont les sacrements:
l 16, "mais reçoit de Dieu par les sacrements" ou bien encore dans la citation d'Hormisdas: l 23, "que par l'imposition des mains on croit avoir reçu de Dieu".
Or ici, les sacrements représentent l'objectivité de la grâce du Christ, ce sont les signes visibles et matériels institués par Dieu comme remède derrière lesquels se cachent la puissance agissante de Dieu. Cette présence de l'institution divine dans la charge pontificale lui donne une certaine aura dans ses agissements, un signe sacré. Cues la conçoit comme une grâce divine, le pouvoir divin est essentiel d'autant plus qu'il se joint à une autre puissance qui est terrestre, l'utilité du peuple.
2.3 Le rôle marquant du consensus commun

L'unité se faisant dans l'Eglise chrétienne, c'est à dire par l'union des fidèles, quoi de plus logique pour Cues que de référer l'élection au peuple. L'essence de la communauté, c'est le consensus, l'harmonie des esprits qui légitiment la charge pontificale. L 30-32, "C'est au peuple fidèle qu'il a cependant concédé leur élection et la grâce divine met en avant celui qu'élit le consensus commun" le terme de consensus devient une des pierres angulaires dans le champ de réflexion du cusain, néanmoins ceci n'est pas neuf, il est baigné une fois de plus dans la tradition mystique, nous pouvons citer à titre d'exemple Ruysbroeck "Nous sommes tous un, intimement unis dans notre image éternelle, qui est à l'image de Dieu".
Voilà la logique cusaine qui se met en place :
la métaphysique du trévirain développée avec la source divine, une, doit se retrouver dans la réalité avec l'acceptation de tous les fidèles en vue de faire écho à l'image unique de Dieu. Si Dieu permet l'élection, le peuple réuni doit s'exécuter. Il y a un procédé d'analogie entre l'entité spirituelle: Dieu et l'entité terrestre: l'homme. L 28-29: "Dieu est présent où se trouve le consensus simple et irréprochable."
L'idée d'une souveraineté populaire chère à Marsile de Padoue se renforce avec la pensée aristotélicienne. Après avoir utilisé la forme et la matière, Cues utilise deux autres causes fondamentales avec l'acte et la puissance.
L 35-37, "De quelle manière se trouvent dans le peuple, latents et en puissance, tous les pouvoirs tant spirituels que même temporels et corporels, encore que, pour que le pouvoir soit lui-même constitué en acte".
L'acte en effet est propre à l'individu, or celui-ci regroupé avec les autres entraîne une communion des actes qui par sa totalité produit la puissance. Par un corps populaire unique à l'image de Dieu, l'élection du peuple sur Terre se fait bien le pendant du concours divin céleste. Ceci reprend l'idée mystique de la conversion, ou de l'altérité, de la diversité, nous allons ver l'Un par le consensus commun.
Cette idée de contingence universelle déployée dans l'abstraction cusaine devient alors une pierre angulaire dans l'évocation du mouvement conciliaire.
Avant de passer à la troisième partie, il faut retenir dans le deuxième axe de réflexion de ce texte la volonté de donner à la charge pontificale une légitimité d'action en la faisant naître de la volonté populaire miroir du vouloir divin. Le pape détient son pouvoir du peuple permettant ainsi d'esquisser une certaine démocratie.
Le pape pour Cues est un point d'équilibre sur terre car il représente le chef de la hiérarchie céleste, son rôle est de mener les âmes au salut.
Bien maintenant passons à la troisième partie.

3 - La tendance conciliaire et universaliste

3.1 Le concept néo-platonicien de l'univers

Le néo-platonisme revient dans la pensée cusaine pour développer la thèse essentielle de ce texte : le mouvement conciliaire. En effet dans la vision mentale néo-platonicienne, l'univers n'est qu'un, il est absolu à l'image de Dieu. Le terme concordance que l'on retrouve à la ligne 18 avec "agréable concordance" désigne une volonté d'unité à l'image d'un univers absolu, métempirique, c'est à dire sans dimension. Cues, adepte de l'irénisme, pour la paix souhaite rassembler les hommes à l'image d'un univers un et indivisible. Ne voyons nous pas là, un appel à la légitimité d'un concile universel, Oecuménique ? Cues veut un rapprochement avec l'Eglise d'Orient que tous les Patriarches se retrouvent ensemble, unis dans le corps mystique de l'Eglise. Cette ouverture à l'Orient peut être d'autant plus compréhensible que Cues emploie de nombreux concepts philosophiques grecs tout à fait assimilables à l'esprit oriental. Se définit ainsi une volonté de réconciliation avec l'Eglise grecque en vue de réaliser le royaume de Dieu sur Terre. On peut se demander si cet universalisme ne laisse pas entrevoir un désir de rallier la dissidence hussite, on sait que Cues pendant le concile de Bâle a aussi écrit un petit opuscule sur la tendance hérétique, la volonté de rallier ces hussites contribuent à dessiner la pensée cusaine de communauté chrétienne universelle, d'une république du Christ profondément unie. Si l'univers est représenté par dieu, la communauté des fidèles, elle, est représentée par le pape, seulement celui-ci n'est que le principe d'unité chrétienne, seul l'universalisme des fidèles lui donne une puissance.
Mais pour cimenter cette union il faut un fil conducteur: l'amour.

3.2 La symbolique de l'amour entre les fidèles

L'amour ici devient le lien qui soude la communauté chrétienne. La vision d'unité, nous l'avons vu avec Cues s'est gérée de la manière verticale avec la conception hiérarchique. Désormais, il s'agit de dessiner une forme d'union à l'échelle horizontale. Cues emprunte ici la philosophie dionysienne qui mettait l'accent sur l'agapè, l'amour charitable. L'amour nous unit tous les uns aux autres à l'image de Dieu qui d'un acte d'amour nous a créé. Saint Augustin disait que le fondement divin de l'être: c'est l'amour. Par celui-ci, l'âme, monte vers ce qui est digne d'être aimé à savoir le fondement et l'origine de l'être: l'amour des fidèles se noie dans celui de Dieu. Mais à quoi correspond cet amour dans l'ordre spirituel, et bien, c'est l'Esprit saint qui procède comme amour du père et du fils. Il est le lien lumineux qui rapproche les fidèles dans une union fraternelle à l'image d'une Eglise, une, établie d'après la Bible. Lorsque Cues à la ligne 5 emploie le terme amour, c'est la volonté humaniste de sa personne qui parle, l'homme d'Eglise qui est pour une société de paix, preuve patente d'un irénisme universel. Le peuple pour le penseur allemand est la base, la fondation inébranlable de l'Eglise, ainsi les divisions ne seraient que lézardes à l'édifice. Cette union terrestre doit son reflet dans l'image trinitaire de Dieu qui est le fondement de l'unité céleste. La conception trinitaire dans la pensée du cusain joue le rôle de soutien dans l'édifice terrestre.

3.3 la présence du concept trinitaire

La présence de la théorie trinitaire de Joachim de Flore parait quelque peu révolutionnaire. En effet, ce mystique italien du XIIème siècle avait avancé une appréhension du dogme trinitaire très spéciale. Reprenant l'idée du grand Saint Augustin, Joachim de Flore avait comparé la division consubstantielle de la trinité, Dieu-Jésus Christ-Saint Esprit selon un fractionnement de trois périodes respectives dans le cours de l'histoire. Lorsque Nicolas de Cues dit à la ligne 45-46, "Car comme le Fils procède du Père, ou encore l'Esprit saint procède du Père et du Fils".
Il ne fait pas preuve d'arianisme, mais conçoit la trinité comme des mouvements successifs. Ceci répond aux trois périodes données par Joachim de Flore avec une première période qui va d'Adam à Jésus Christ, une deuxième période qui va du roi Ozias à 1260 de notre ère, et une troisième partie qui commence avec saint Benoît au VIème siècle. Cette tranche périodique s'assimile à la période de l'Esprit. La troisième période a une valeur eschatologique, elle correspond à une valeur absolue, ce ne sera pas une période d'autorité, mais une ère d'autonomie ou chacun aura en lui l'esprit saint. L'idéal chrétien pour le cusain se situe dans l'avenir et non dans le passé. Magnifique paradoxe pour un penseur qui s'appuie sur des thèses anciennes pour formuler une pensée moderne. la troisième période est celle à laquelle nous devons tendre, celui de la contemplation, L44-45, "le peuple figure le Père, les clercs séculiers le Fils et les religieux l'esprit saint " . On notera ici la phrase " le peuple figure le père" qui conforte toute la pensée populaire du cusain.
Le terme procéder inclue donc un mouvement qui nous amène dans un temps ultime ou il n'y a plus de hiérarchie ni de sacrements. De ce fait, tous les êtres seront en rapport direct avec Dieu et plus aucune autorité médiatrice ne sera nécessaire. Il y aurait à la place un pape angélique, qui incarnerait la présence de l'esprit. Par conséquent, la hiérarchie et le laïcat se retrouveront sur le plan du monachisme. L'humanité rentrera alors dans sa troisième phase, celle de la perfection, de la liberté de l'Esprit. La vision optimiste de Cues est liée une fois de plus à son humanisme et au fait qu'il croit en l'homme.
Dans cette troisième partie, se dégage la volonté d'union qui pour Cues s'élabore à l'échelle universelle, il veut un peuple chrétien uni à l'image d'un univers indivisible, rassemblé au nom de l'amour, témoin lumineux de l'amour de Dieu et de Jésus Christ.

Conclusion:

Nicolas de Cuse dans ce texte a utilisé une multiplicité de sources philosophiques et théologiques de nature très différentes. Il a aussi bien usé de la pensée chrétienne que de la pensée païenne voire même hérétique. Ceci montre que Cues s'insère dans le mode de pensée allemande qui tire des thèses philosophiques ce qui l'intéresse pour bâtir les fondations d'une pensée nouvelle, c'est la synthèse des connaissances qui lui permet d'établir sa pensée en faveur du conciliarisme. Reste ici à préciser que Cuse ne cherche pas à se débarrasser du pape mais cherche un équilibre, une harmonie productive entre la présence du concile et le rôle et l'origine du pouvoir pontifical. D'où la nécessité de repréciser la hiérarchie ecclésiastique avec sa base qui est le peuple, le rôle de l'élection et du consensus commun, tout cela à l'image d'un univers unique. Cette première oeuvre de Cuse s'inscrit dans ce que l'on pourrait appeler la première phase de sa vie où il croit aux vertus d'un concile unificateur, il est jeune et croit en l'avenir, sa philosophie est à l'image de sa jeunesse où elle manque d'expérience. Le résultat de cet idéal de société chrétienne est pourrait-on dire utopique, les divergences d'intérêts au sein du concile le feront changer de position et il occupera les bancs de la défense d'un pape qui petit à petit reprendra de l'autorité et charmera le cusain par ses volontés de réconciliation avec l'orient. Nicolas de Cuse avec ses idées abstraites ne pouvait cadrer avec une réalité qui prêtait à des obstacles théologiques concrets.





 
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