Nicolas de Cues est apparu au concile en tant que défenseur de son protecteur, Le comte Ulrich de Manderscheid. Ce dernier se sentait lésé par le choix du pape Martin V dans la désignation pour l'évêché de Mayence de l'évêque de Spire. Nicolas alors doyen de Saint-Florin à Coblence et secrétaire du comte put mettre à profit son expérience de juriste mais surtout se faire entendre dans un tout autre registre celui de la défense conciliaire. Bâle s'imbriquait dans des conflits théologiques de première conséquence puisqu'il faisait suite au concile de Constance ( 1414-1418 ) qui mit fin au schisme d'occident ( 1378-1417 ) et qui porta au pinacle la théorie conciliaire comme supériorité légitime sur l'autorité pontificale. C'est dans cette atmosphère de réforme religieuse que le cusain pris la décision de rédiger son œuvre apologétique : La concordance Catholique.
L'essentiel pour lui est le retour aux origines de l' Eglise trop peu consciente des retombées négatives qu'occasionnent les rivalités familiales devant l'enjeu de l'élection du représentant de Saint-Pierre ou bien des frasques de nombreux représentants ecclésiastiques.
Nicolas de Cues reprend la pensée de ce franciscain philosophe et mystique du XIIIème siècle, Raymond de Lulle, dans l'esquisse d'une union christique du peuple par le truchement d'une Eglise représentative des volontés de ce dernier. Lulle voulait en effet l'établissement d'une religion universelle, celle du Christ, qui réalise l'accord et l'unité. Le cusain, adepte de l'irénisme, pour la paix souhaite rassembler les hommes à l'image d'un univers un et indivisible.
Cette ambition réconciliatrice le porte à négocier avec les hussites puis avec les chrétiens d'orient dans le rêve d'un consensus commun.
Cependant dans la recherche d'un pied d'égalité entre Grecs et Latins, Nicolas de Cues va revenir sur ses positions conciliaires en regagnant les rangs de l'autorité pontificale. Eugène IV s'étant montré avec Byzance plus fervent diplomate que les pères du concile, Nicolas opte pour l'efficacité d'union devenant ainsi " l'hercule des Eugéniens ".
En 1437, chargé de prendre contact avec le patriarche et les représentants des églises orientales, pour un concile tenu d'abord à Ferrare, puis reporté à Florence, il découvre sous le coup d'une inspiration divine ce qu'il nommera dans son premier livre en 1440 la Docte Ignorance.
Cet écrit qui est l'un des plus enracinés dans la pensée intuitive cusaine définit la coïncidence des opposés dans l'absolu. Autrement dit une idée poussée à l'extrême nous conduit dans l'ignorance, celle-ci est docte car nous connaissons les limites de notre propre connaissance.
Tout cela rentre en conséquence dans l'appréhension de Dieu , du Christ de l'univers et de l'homme. Nicolas poursuit avec ses " conjectures " toujours la même année où il développe son idée de l 'esprit humain comme outil de mesure, comme fondement dans l'appréciation du réel, lequel ne peut se mesurer de manière concise.
Ce qui est à noter chez le cusain c'est son souci d'éclectisme, de passion pour la pluridisciplinarité, son ouverture sur la religion les sciences et la philosophie démontrent la richesse d'esprit d'un homme conscient des problèmes de son siècle.
Les années 1440 sont marquées par une intense production spirituelle où se côtoient traités et dialogues, nous pouvons citer Du Dieu caché, du Dieu cherché, De la filiation divine, du Don du Père des Lumières et De la Génèse. Ces écrits emploient les références métaphysiques et théologiques, révélant aussi les influences mystiques du cusain.
Les mathématiques jouent un rôle significatif dans sa vie avec les Transformations géométriques ou bien encore la quadrature du cercle où il est question d'une similitude entre les mathématiques et la théologie pour atteindre l'objectif ultime le cercle comme Dieu.
Paraît en 1450 l'Idiot qui a pour centre d'intérêt le fonctionnement de l'esprit.
Mais Nicolas sait dépasser les contradictions dans ses missions religieuses ; puisque du parti conciliaire dans lequel il appuyait la suprématie du concile sur le pape et allant dans le même temps contester avec Laurent Valla l'authenticité de la donation de Constantin il passe sous l'obédience d'Eugène IV. Il travaille à la réforme de l'Eglise et à la soumission du pape en devenant légat de ce dernier en Allemagne et en Europe du nord. Il en recevra le surnom de "Marteau" des Eugéniens. Ses bons offices lui donneront la gratification honorifique de Cardinal avec le titre de Saint-Pierre aux Liens, le 20 décembre 1448. Sa grande légation en Allemagne de 1450 à 1452 l'amènera à parcourir un itinéraire couvrant plus d'une cinquantaine de villes, périple dans lequel son unique objectif sera la réforme de l'Eglise. Il sera élevé par l'empereur Frédéric III, en mars 1451 à la dignité de prince impérial et nommé par le Pape comme évêque de Brixen où il aura fort à parti avec l'aristocratie Tyrolienne dont la résistance dans les monastères se fera forte contre toute réforme.
Sa tenace volonté de trouver un terrain d'entente, un rapprochement plus fort entre le peuple et l'Eglise fait de Nicolas de Cues un annonciateur , un révélateur des tensions religieuses qui s'annonceront dans l'évanescence du protestantisme au XVIème siècle. Cependant son projet ne s'arrête pas au niveau local dans une entente européocentriste, il tend à l'infini, à l'universalité religieuse en prenant acte de l'existence légitime des autres cultures pratiquantes.