Nicolas Krebs est né à Cues, un petit village au bord de la Moselle proche de Trèves en 1401. Fils de batelier possesseur d'une petite flotte fluviale, il appartenait à une famille d'un genre petit bourgeois qui aurait pu le prédestiner à la veine commerçante dans le vaste réseau des foires du XVème siècle. Seulement sa vocation se fit autre, et ses parents constatant le goût avéré de leur fils pour l'étude décidèrent de le confier au comte de Menderscheid. Ce dernier conscient des mérites intellectuels du Cusain décida de l'envoyer vers 1413 chez les " Frères de la vie commune " à Deventer. Ce mouvement fut initié dans la deuxième moitié du XIVème siècle par Gérard Grote qui cherchait dans ce que l'appelait la Devotio moderna à réformer l'Eglise en luttant contre tous les abus qui maculaient celle-ci et à promouvoir l'accessibilité spirituelle à tous. Le mysticisme qui pouvait s'en dégager dans la vie et les exercices spirituels ont sans conteste influencé Nicolas de Cues dans les prémices de sa pensée. Les prises de contact avec les penseurs rhénans tels que Tauler, Ekhart ou bien Ruysbroek ont donné matière à la diversité de vue religieuse sur le christianisme dans le sentiment d'union avec Dieu et la place du pape ainsi qu'une synthèse de la pensée allemande dont la quintessence matérielle sera souvent utilisée dans les écrits cusains.
C'est une première étape pour Nicolas de Cues dans la connaissance qui demeura trois ans chez les frères de la vie commune avant de rejoindre en 1416 et pour une année les bancs de l'université de Heidelberg. Il y étudia les arts libéraux qui constituaient la base de l'enseignement médiéval et obtint son bac ès-arts. Mais l'élément essentiel à retenir est l'occamisme enseigné par Marsile d'Inghen qui fut un modèle théologique dans l'appréciation des réalités ecclésiastiques et qui servira d'atout significatif pour le retour à l'origine religieuse : l'église primitive. En 1417 il s'inscrit à Padoue dans l'une des plus importantes universités d'Europe, dans le but de faire des études de droit. Mais son ouverture pluridisciplinaire l'amènera vers l'initiation scientifique, les mathématiques, l'astronomie et la médecine chanteront comme des muses le doux chant séducteur de la diffusion du savoir auquel Nicolas de Cues ne pourra résister. Toujours est-il qu'il sort de l'enceinte universitaire auréolé d'un doctorat en droit canon. Sa formation juridique sera un excellent atout pratique pour les suites de sa pérégrination religieuse, passant dans un premier temps par les honneurs d'une chaire de droit canon offert par la récente université de Louvain en 1426 et 1431.
En 1425 après un court passage dans la majestueuse Rome, il gagne Cologne pour s'enrichir des sommes théologiques dans la lignée traditionnelle du grand Saint-Thomas d'Aquin. Les mystiques allemands restent les archétypes et les fondations de la pensée cusaine tout en empruntant une autre source philosophique, celle de l'école néoplatonicienne. En effet Nicolas de Cues puise dans le réservoir spirituel de Denis l'Aréopagite de Plotin ou bien de Proclus dont il faudra retenir l'idée d'harmonie, de concordance dans la conception hiérarchisée d'un monde hylémorphique faisant correspondre le sensible et l'intelligible entre les entités trinitaire, angélique et humaine. Ceci révèle l'interprétation augustinienne où s'établit un dialogue entre l'âme et Dieu dans une relation entre l'inférieur et le supérieur, entre le monde et Dieu. Ces données sont à prendre avec intérêt puisqu'elles participeront de la réalisation de l'œuvre conciliaire cusaine lors du concile de Bâle ouvert en 1431. L'opposition à l'autorité pontificale dans la défense des thèses conciliaires caractérise la première étape de sa vie.